L’impact de la pandémie de Covid-19 sur l’organisation du système de soins et la prise en charge d’autres pathologies est encore difficile à estimer, mais des premières données commencent à émerger. Depuis le mois mars, des efforts significatifs ont été réalisés pour suivre le plus précisément possible la mortalité directement liée au Covid-19, mais d’autres causes de mortalité associées plus indirectement au confinement et à la réorganisation des systèmes de soins pendant la crise ont jusqu’ici été moins bien documentées.
Des travaux menés par les chercheurs Eloi Marijon et Nicole Karam au Centre de Recherche Cardiovasculaire de Paris (Inserm/Université de Paris), en collaboration avec Daniel Jost (Brigade des sapeurs-pompiers de Paris), et publiés dans le Lancet Public Health ont évalué l’impact de la pandémie sur le nombre et le pronostic des arrêts cardiaques recensés en région parisienne.
Les données présentées dans l’étude suggèrent qu’il a même doublé par rapport à la même période les années précédentes. Ces travaux s’appuient sur les données issues du registre francilien du Centre d’Expertise Mort Subite (Paris-CEMS). Son objectif est de collecter, à partir d’un système de surveillance en temps réel, des informations sur tous les arrêts cardiaques extra-hospitaliers ayant lieu dans Paris et la petite couronne.
Au cours des six semaines étudiées par les chercheurs, 521 arrêts cardiaques hors hôpital ont été identifiés en région parisienne, soit un taux de 26,6 arrêts pour un million d’habitants. Entre 2012 et 2019 à la même période, ce taux était de 13,4 arrêts cardiaques pour un million d’habitants.
Mieux appréhender les conséquences de la crise
Si le profil démographique des patients a peu évolué, l’étude suggère que la prise en charge initiale et le pronostic immédiat de ces cas ont par contre drastiquement changé pendant le confinement. Plus de 90% des arrêts ont eu lieu à la maison, avec des témoins beaucoup moins enclins à initier un massage cardiaque et des délais d’intervention plus longs. Cela s’est notamment traduit par un taux de survie plus faible des patients à l’arrivée à l’hôpital. Sur la période du confinement explorée par les chercheurs, seuls 12,8 % des patients identifiés étaient vivants à l’admission, contre 22,8 % à la même période les années précédentes. “Au cours des neuf dernières années, nous avons travaillé de manière collective pour mettre au point cette base de données, qui s’implémente quasiment en temps réel, et sur laquelle s’appuie cette nouvelle étude. L’arrêt cardiaque extrahospitalier est un marqueur particulièrement intéressant, multifactoriel, qui nous permet d’évaluer en quelle mesure la communauté toute entière a été impactée par cette pandémie ”, expliquent Eloi Marijon.
Les auteurs ont pu estimer qu’environ 33 % du surplus de décès observé est directement lié au Covid-19.
Des études antérieures menées par l’équipe ont par ailleurs montré que les personnes qui subissent un arrêt cardiaque ont huit fois plus de chances de survivre lorsqu’un témoin est en mesure de pratiquer rapidement une réanimation cardio-respiratoire. Or, pendant le confinement, il apparaît que dans certains cas aucun témoin n’a initié un massage cardiaque.
“En pleine période de déconfinement, nos résultats permettent de mieux appréhender les conséquences de cette crise, les leçons à tirer, également pour mieux réagir en cas de 2ème vague. Ils rappellent qu’il est plus que jamais nécessaire de trouver un équilibre afin d’assurer outre la prise en charge de l’épidémie, le suivi des autres malades. Tout le monde est concerné”, conclut Nicole Karam.